Trois femmes photographes latino-américaines (1)

Graciela Iturbide, La photographe mexicaine.

Marc Criado

4/23/20243 min read

En France, en Europe plus généralement, nous connaissons et glorifions nos photographes tout d’abord et ensuite, des Américains et quelques Japonais (le Japon est très à la mode !). Il faut bien avouer aussi que nous glorifions surtout des hommes-photographes. Je voudrais vous présenter et vous donner envie de visiter les œuvres immenses de trois photographes latino-américaines : une Mexicaine, une Panaméenne et une Argentine.

Aujourd’hui, la Mexicaine : Graciela Iturbide…

Avant de présenter la photographe, je voudrais dire à quel point, d’ici, nous ne mesurons pas la puissance et l’importance, passée et présente, du Mexique dans le domaine de l’art, de tous les arts. Si seuls Frida Kahlo et dans une moindre mesure Diego Rivera sont connus par l’homme de la rue, une foule de créateurs sud-américains et bien sûr de mexicains, travaillent et créent au Mexique. Tous les mouvements littéraires, picturaux et en ce qui nous concerne, photographiques, ont eu des répercussions importantes dans cet immense pays qui les a digérés et les a transformés, … mexicanisés en quelque sorte.

Graciela Iturbide aura 82 ans le 16 mai prochain. Après son mariage et la naissance de ses enfants, elle se tourne vers la photographie. A l’UNAM (Université nationale autonome du Mexique), qui est, dans les années 70, le fer de lance de l’intelligentsia en même temps qu’un bouillon de culture de la modernité, elle rencontre et travaille avec Manuel Alvarez Bravo (la grande figure de la photographie mexicaine, 1902-2002) qui devient rapidement son mentor. Elle va rencontrer les plus grands en parcourant le Monde entre autres, Henri Cartier-Bresson.

Issue d’une classe économiquement aisée et culturellement tournée vers l’Europe et les États unis, Graciela va se servir de l’appareil photo pour découvrir les richesses des cultures de son propre pays. Comme elle le dit : « un appareil, c’était un bon prétexte pour rencontrer les gens ». Son travail va documenter et montrer tout d’abord aux Mexicains de la capitale puis au monde, le rôle, l’importance des femmes indigènes et, plus largement, la richesse, la diversité des cultures pré-hispaniques que recèle le monde rural mexicain. Ce faisant, elle profite de deux qualités remarquables du Mexique qui est à la fois un pays ouvert sur le monde et qui possède une richesse culturelle que peu de pays ont.

Ses photographies en noir et blanc, que l’on pourrait qualifier d’humanistes, de sociales, voire d’ethnologiques sont surtout d’une grande qualité artistique, ce qui la place parmi les plus grands. « Je n’ai jamais eu envie de faire des photos de la pauvreté. Il y a des tas de photographes qui ont fait ça très bien, comme Dorothea Lange (1895-1965) avec la crise de 1929 aux États Unis. Ce qui m’intéresse, c’est de photographier l’homme dans toute sa dignité. » (Le Monde, 14 fevrier 2022)

Son travail se retrouve dans un grand nombre de publications et de collections à travers le monde : MOMA, Fondation Cartier…

Sa photo emblématique « Nuestra Señora de las Iguanas » (Notre-Dame des Iguanes), Juchitán, 1979 représente en contre-plongée une marchande venue sur le marché vendre ses iguanes (Les gens du coin consomment les iguanes en bouillon, en soupe.). Elle les porte attachés sur la tête, comme cela se fait habituellement. Dans cette image à la composition remarquable, on peut noter l’influence de Cartier Bresson et de son instant décisif. J’y vois personnellement la maestria de la photographe, l’ouverture culturelle et la richesse du peuple mexicain.

« La photographie est un rituel, et elle peut aussi nous aider à nous soigner. »

Si vous parlez espagnol... Sinon, vous pouvez toujours voir les photos de Graciela : https://www.youtube.com/watch?v=R9YUfKAJfD4