Connaissez-vous Suitcase Joe ?

Photographie contemporaine.

Marc CRIADO

12/6/20233 min read

Certains dénonceront dans ces photos un certain voyeurisme, d'autres diront au contraire que ces photographes mettent en lumière des femmes et des hommes que la société ne veut pas voir. Après tout,  "photographier c’est conférer de l’importance" a écrit Suzanne Sontag !

Personnellement, je ne photographie jamais de SDF. J’ai passé une semaine de stage aux Rencontres d’Arles, chez Emaüs, sans arriver à faire le moindre portrait des compagnons qui travaillaient là. Cet échec fut et est douloureux. Cela m'a permis d'admirer le travail de cette association et de beaucoup réfléchir sur ce type de photos et sur ce qu'elles impliquent. Je trouve, maintenant, que ce style de photographie, si la démarche du photographe est sincère et bienveillante, peut avoir une réelle valeur artistique et sociale. Je vous parlerai ici, plus tard, de Sasha Ascensio, que j’ai eu la chance de rencontrer et qui réalise un travail remarquable en montrant une face de Barcelonne que ses habitants et ses touristes préfèrent ignorer.

Suitcase Joe (Joe La Valise) est un pseudonyme. Depuis dix ans, il porte un regard empathique sur le déplacement et la maladie mentale des habitants du célèbre quartier de Skid Row, au centre-ville de Los Angeles. Il s’est confié dans une interview à Julia Annabel Siedenburg pour le magazine en ligne ART SQUAT dont j’ai traduit une partie.

Suitcase Joe : "Au départ, je prévoyais uniquement de documenter Skid Row pour des archives historiques. J'étais terrifié à l'idée de m'enfoncer dans le quartier. Chaque fois que j'y allais, j'essayais de me pousser à aller plus loin à l'intérieur de Skid Row et à rencontrer quelqu'un de nouveau. Au début, je ne connaissais pas beaucoup de monde là-bas et je n’étais pas accueilli dans le quartier comme je le suis aujourd’hui. Au fil du temps, j’ai commencé à nouer des amitiés avec les résidents de Skid Row et c’est à ce moment-là que les choses ont commencé à changer pour moi. Plus j’en apprenais sur chacune des personnes que je rencontrais et sur leur situation, plus je comprenais comment tant de ceux qui finissent par vivre dans la rue n’ont jamais eu de réelles opportunités dans la vie. Ils étaient voués à l’échec dès le début. Comprendre vraiment cela à leur sujet m'a donné une réelle empathie et une réelle compréhension d'eux et de leur situation. Je me suis généralement préoccupé de leur bien-être et cela n’a fait que nouer des amitiés plus fortes avec de nombreux résidents là-bas et je pense que c’est ainsi que j’ai gagné la confiance de beaucoup de gens. Je ne savais pas quand cela se produisait, mais c'est à ce moment-là que j'ai commencé à avoir un accès rare à la vie personnelle de beaucoup d'entre eux. J'ai maintenant été accepté comme faisant partie de la communauté par de nombreux résidents qui y vivent. Je ne me sens pas comme un étranger venu prendre des photos et je ne suis plus reçu comme ça. Je peux obtenir des images et des histoires personnelles de mes amis de Skid Row parce que j’ai des relations personnelles avec eux."
"La SuitcaseJoeFoundation.org" a été créée en réponse au grand nombre de personnes qui m'ont contacté après avoir vu mon travail et demandé comment elles pouvaient m'aider. Nous avons des équipes de rue qui apportent une aide immédiate en distribuant des produits d'hygiène, des tentes, des couvertures, des vêtements, de la nourriture, etc. Le deuxième niveau consiste à créer des services complets pour sortir complètement les gens de la rue et les amener dans un logement, mais aussi leur fournir une assistance médicale, une thérapie, une formation professionnelle et tout le soutien dont ils ont besoin pour sortir de la rue et se diriger vers une vie épanouie."

Interview : http://www.art-squat.com/articles/suitcase-joe/
Photos : https://mymodernmet.com/suitcase-joe-skid-row-photography/